C’est la fin d’un long feuilleton judiciaire qui aura eu pour scène principale le tribunal cantonal de Lucerne. Paul Estermann, cavalier suisse de 60 ans, a été reconnu coupable de cruauté envers les animaux par la justice suisse en décembre 2022 : n’ayant pas eu recours à son droit de faire appel de sa condamnation, l’affaire est définitivement jugée et le cavalier reconnu coupable. Dans un communiqué publié le 16 janvier, la Fédération suisse des sports équestres (FSSE) a annoncé avoir pris connaissance de cette décision judiciaire et enclenché à son tour une procédure interne : « Le comité de la FSSE a immédiatement demandé à la commission des sanctions (COSAN) de la FSSE de prononcer une suspension provisionnelle à l’encontre de Paul Estermann (…). La COSAN est invitée à traiter cette demande en urgence. Compte tenu du droit d’être entendu de Paul Estermann, une décision de la COSAN concernant une suspension provisionnelle est attendue dans les prochaines semaines« , a fait savoir la fédération suisse.
Le point de départ de cette affaire sordide remonte à 2017, avec la publication de photos par le quotidien suisse Blick montrant les flancs ensanglantés et parsemés de plaies d’un cheval. À l’origine de ces photos, le Tchèque Zdenek Dusek, ancien groom de Paul Estermann, qui alléguait que le cheval en photo était Castlefield Eclipse, monture de tête du cavalier. Avec cette jument de sport irlandais née en 2002, le Suisse avait tutoyé les sommets de la discipline, prenant part aux Jeux olympiques de Londres, aux Jeux équestres mondiaux de Caen, aux championnats d’Europe d’Aix-La-Chapelle (2015) et de Herning (2013), entre autres. En dépit de ce succès sur le devant de la scène, le groom avait dépeint un visage différent à la maison du cavalier qui l’employait : « Paul a fondamentalement bon cœur. Mais si son humeur change, il n’a plus de respect. Ni devant des humains ni devant des animaux. Comment les gens qui consacrent leur vie aux chevaux peuvent-ils leur faire quelque chose comme ça ? Un cheval qui s’est battu pour vous pendant des années et qui a donné le meilleur de lui-même ? », s’interrogeait Zdenek Dusek à Blick.
Face à ces accusations, Paul Estermann avait nié toute maltraitance envers sa jument ainsi que son second cheval de 5*, Lord Pepsi, lui aussi censément victime de sévices. En plus de remettre en cause les paroles de son groom, il l’avait aussi accusé de lui avoir volé plusieurs milliers de francs suisses et de s’être enfui avec, après que les relations entre le patron et l’employé se soient dégradées. Si Zdenek Dusek avait reconnu ce vol, il avait rétorqué que les accusations de maltraitance n’étaient pas une vengeance mesquine contre son ancien employeur.
C’est en 2019, deux ans après l’ouverture d’une enquête pour des faits de cruauté envers les animaux, que le cavalier suisse avait été jugé coupable de maltraitance : pour ces faits, la loi suisse prévoit jusqu’à 3 ans de prison dans les cas les plus extrêmes, ainsi qu’une amende dont le montant varie en fonction de la gravité des faits. Lors du procès en appel devant la cour cantonale de Lucerne, le prévenu ayant interjeté appel de sa condamnation, le procureur avait demandé un alourdissement de la peine, « l’accusé (n’étant) en aucun cas compréhensif ou plein de remords vis-à-vis du jugement du parquet. » Le jugement de cet appel avait été rendu début 2021, avec une peine alourdie envers Paul Estermann.
Ce dernier avait alors décidé de déposer un recours auprès du Tribunal fédéral, la plus haute instance du pays, et le dossier était repassé devant cette juridiction un an plus tard, au printemps de l’an dernier. Les juges avaient décidé d’accepter partiellement ce recours et ont demandé à ce que le cas soit rejugé par la cour cantonale de Lucerne, devant laquelle le cavalier avait déjà plaidé pour sa cause : la sentence ne fut pas différente, l’instance le jugeant une nouvelle fois coupable de cruauté envers des animaux en décembre dernier. Paul Estermann ayant décidé de ne pas faire appel cette fois-ci, le jugement est acté et clôt ainsi ce feuilleton judiciaire dont le monde équestre se serait bien passé. Entre temps, Castelfield Eclipse est décédée, ayant dû être endormie après une fracture du boulet au pré, et Lord Pepsi est passé sous couleurs brésiliennes : reste désormais à savoir de quelle sanction Paul Estermann écopera de la part de la fédération suisse pour mettre définitivement cette affaire derrière nous.
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