Que dire après le spectacle auquel on a assisté aujourd’hui ? De nombreux acteurs, cavaliers ou autres observateurs aguerris, avaient bien dit que ce championnat ne se résumait pas qu’au dressage, tandis que les spectateurs commentaient les infortunes diverses des uns et des autres après les premiers jours. Et c’est un pléonasme de dire que le cross a tenu toutes ses promesses, avec des remontées spectaculaires, de nombreuses éliminations et une journée haletante ! On vous fait le récap de ces quatre heures fantastiques de l’épreuve reine du complet.
Ce qu’il faut retenir
Les deux extrêmes pour les leaders : dire que l’épreuve de fond a rebattu les cartes du top ten est un euphémisme, tant les positions ont varié au rythme de la fortune des uns et de l’infortune des autres. Les grands gagnants de cet après-midi sont la Britannique Rosalind Canter et son époustouflant Lordships Graffalo, les vainqueurs de Badminton qu’on attendait au tournant et qui n’ont pas déçu ! Le duo britannique réalise l’exploit d’être le seul « maxi » parmi les 58 partants, ce qui les propulse à la première place du classement provisoire avec neuf points d’avance sur ses premiers poursuivants.
La championne prend la première place au détriment de deux autres géants du complet, sa compatriote Laura Collet et l’Allemand Michael Jung. Après un long examen des juges, on a compté à la première et à sa monture London 52 un missing flag, soit un obstacle que le bai a franchi une épaule en dehors du fanion, entraînant 15 points de pénalité et une quinzième place ce soir. Pire encore est le sort qu’a connu Michael Jung, qui déroulait superbement avec son expérimenté fischerChipmunk FRH jusqu’au dernier gué : sur l’élément précédant l’entrée dans l’eau, le bai a réceptionné sur ses genoux, entraînant de facto la chute de son cavalier et l’élimination du couple. C’est un véritable coup de tonnerre pour les leaders après le dressage qui filaient droit vers une septième médaille européenne, et le cri du public à la chute du Germanique a été à l’aune de cette surprise ! Quelques partants plus tôt, Tom McEwen avait lui aussi chuté dans ce même gué alors qu’il occupait la troisième place provisoire. Décidément … De même, la championne du monde en titre Yasmin Ingham, cinquième avant le cross, a subi un refus de son Selle français Banzaï du Loir après une trajectoire incertaine sur une haie en fin de combinaison : le duo a été rétrogradé à la vingt-sixième place.
Les infortunes des Britanniques, qui occupaient six des dix premières places avant le cross, ont donc permis de colorer le top ten avec de nouveaux drapeaux. L’Allemande Sandra Auffarth (Viamant du Matz), onzième après le dressage, est troisième, l’Irlandaise Sarah Ennis (Grantstown Jackson), cinquante-quatrième après le dressage, opère la remontée du siècle et est cinquième ce soir, tandis que l’Allemand Christoph Wahler (Carjatan S) et le Suisse Felix Vogg (Colero), dix et onze vendredi, sont sixième et septième à l’issue du deuxième test.
Ce qu’on a aimé
Il n’y a pas que les autres nations qui ont profité des déconvenues des leaders, il y a aussi nos Français qui ont régalé leur public ! Portée par une foule qui s’est époumonée sur toutes les difficultés du parcours, l’équipe des Bleus a concédé des points de temps mais pas d’erreurs sur les obstacles, ce qui leur permet de faire un bond dans le classement autant en équipe qu’en individuel. Ainsi, Stéphane Landois (Chaman Dutmonceau*Ride For Thaïs) passe de la vingt-troisième à la quatrième place, Gaspard Maksud (Zaragoza), de trente-troisième devient huitième, suivi à la neuvième place par Nicolas Touzaint (Absolut Gold*HDC) alors qu’il était vingt-cinquième, quand Karim Laghouag (Triton Fontaine) remonte de la dix-septième à la quinzième place. Alors qu’ils étaient dépités après un dressage en demi-teinte, les Tricolores nous ont montré qu’ils étaient de sacrés crosseurs et qu’il ne fallait pas les sous-estimer, pour notre plus grand bonheur ! L’équipe pointe désormais à la troisième place avec 126,2 points, devancée par les Britanniques à 98,7 points et les Allemands à 126 points. La bataille collective promet d’être serrée demain…
Chez les individuels aussi, on a vu de belles choses. Gireg Le Coz et son tout bon Aisprit de la Loge gagnent ainsi un rang, passant de la treizième à la douzième place, après un cross entaché de pénalités de temps : on retiendra que le pilote ne dépareille pas parmi les meilleurs pour ses premiers championnats senior. Moins chanceux, Benjamin Massié a essuyé un refus et une chute d’un obstacle MIM de sa jeune Edition Fonroy, neuf ans au compteur, mais la baie a montré toutes ses qualités sur ce parcours difficile et on reverra certainement le couple sur les plus belles échéances.
Outre les Français, d’autres équipes ont opéré une belle remontée dans le classement : dans le milieu de tableau après le dressage, les Suisses et les Irlandais ont eux aussi montré qu’ils n’étaient pas là pour faire de la figuration. Nos voisins helvétiques n’ont pas à rougir de leurs performances sur le cross, ayant montré toute leur détermination et leur endurance sur ce test : avant le jumping dimanche, ils sont cinquièmes au provisoire. De même, si les cavaliers de l’Île d’émeraude n’avaient pas réalisés leurs meilleures reprises jeudi et vendredi, ils ont été portés notamment par Sarah Ennis sur le cross pour passer à la quatrième place provisoire, à quelques encablures des Tricolores. Reste que demain ils seront seulement trois à partir sur le CSO, Felicity Ward (Regal Bounty) ayant été éliminée sur le parcours.
Les réactions
Rosalind Canter, première au provisoire : « Walter (surnom de Lordships Graffalo, ndlr) est vraiment une machine sur le cross, quand je lui demande de galoper il galope, quand je lui demande de se rééquilibrer il se rééquilibre… Je suis vraiment très chanceuse d’avoir un cheval aussi courageux et disponible ! J’étais deuxième après le dressage, je vais essayer de rester première jusqu’à demain soir (rires).«
Kitty King, deuxième au provisoire : « Je suis vraiment fière de mon cheval, il a vraiment fait de son mieux sur le parcours. En regardant le parcours de Rosalind, on aurait dit une balade de santé tellement c’était facile ! L’équipe a vraiment fait un boulot formidable, j’étais un peu déçue de moi-même d’avoir engrangé des points de temps dépassé, j’avais l’impression de les avoir laissées tomber mais finalement non. Maintenant , j’ai hâte d’être à demain pour le CSO !«
Sandra Auffarth, troisième au provisoire : « Cet endroit est vraiment spécial pour moi (en 2014, l’Allemand avait été sacrée championne du monde avec Opgun Louvo sur ce même terrain, ndlr), mais quand j’ai vu qu’il pleuvait encore comme il y a neuf ans, je me suis dit « oh non, pas encore ! » (rires) Viamant était en grande forme aujourd’hui, je suis très contente de lui. Peut-être que j’aurais dû prendre un peu plus de risques au départ mais j’ai vu en milieu de parcours qu’il avait un peu de mal donc on a ralenti un peu et on est arrivés encore assez frais. C’est vraiment un sauteur formidable ! En attendant, on croit toujours à la médaille, demain est un jour nouveau et nous ne baissons jamais les bras.«
Stéphane Landois, quatrième au provisoire : « Honnêtement, je ne pensais pas me retrouver quatrième ce soir, on savait que le cross serait éprouvant pour les chevaux et que ça allait faire bouger les choses mais de là à m’imaginer au pied du podium… Demain est un autre jour, on verra d’abord la visite véto puis le CSO, chaque chose en son temps.«
Pierre Le Goupil, chef de piste : « Quand on a marché la piste ce matin à 5 heures, on s’est vraiment demandé s’il serait possible de courir sur le terrain, ça a vraiment été un moment d’incertitude qui a été difficile à vivre. Bravo aux cavaliers de l’avoir pris en considération, d’avoir écouté leurs montures et d’avoir franchi la ligne d’arrivée sans être dans le rouge. Finalement, c’est devenu de plus en plus excitant de regarder le déroulement du parcours, les premiers cavaliers ont monté avec prudence pour ramener le maximum d’informations à leur équipe mais on a vu que les autres après prenaient des risques en conséquence, certains avec plus de chance que d’autres. Je tenais aussi à saluer le constructeur des obstacles, un vrai travailleur de l’ombre sans qui il serait impossible d’oeuvrer aujourd’hui, donc bravo à eux car une part de ce succès leur revient.«
Richard Waygood, chef d’équipe des Britanniques : « C’est une bonne décision que d’avoir raccourci le parcours, on a bien vu que même sans cette boucle le parcours restait très difficile car les foulées ne sortaient pas aussi bien devant les obstacles qu’on l’aurait espéré : place maintenant à la récupération car ça a été éprouvant pour les chevaux. Au delà de ça, je trouve que le parcours construit par Pierre était fantastique, j’admire vraiment comment il a pris toutes les données comme la météo en considération pour agir en conséquence et faire que cela reste un vrai cross de championnat adapté à tous en dépit des difficultés.«
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