Cet après-midi à Genève a été réduit à néant l’un des plus tenaces dictons de ces dernières années en compétitions internationales de CSO : si Harrie Smolders et Monaco étaient au départ d’un Grand Prix 5*, il y avait d’immenses chances pour qu’ils terminent à la deuxième place de l’épreuve. À tel point qu’on les comparait facilement au cycliste Raymond Poulidor, éternel second du Tour de France, jamais victorieux sur la prestigieuse course cycliste. Les Coupes du monde d’Amsterdam et Londres, les Grands Prix LGCT de Saint-Tropez, Riyadh et Monte-Carlo, les GP5* du saut Hermès, de Genève et s-Hertogenbosch, les finales Coupe du monde de Leipzig et Omaha… Autant d’épreuves où la paire néerlandaise a raté la couronne de lauriers de peu, mais a impressionné au fil des années par sa régularité.

Attendant patiemment leur chance, les deux sont enfin montés sur la plus haute marche du podium à Genève. « Monaco méritait une grande victoire, il est d’une telle régularité incroyable. Il est spécial pour moi, on a développé une vraie confiance et il est tellement confiant et courageux… Ce n’est pas mal de remporter cette épreuve-là parmi toutes les autres ! », a reconnu son cavalier, et quelle victoire, sur l’une des plus réputées pistes au monde ! Qui plus est, il a fallu se défaire d’un parcours piégeur qui ne laissait aucun répit, où dix couples ont trouvé la clé du sans-faute. Avec son triple et ses deux doubles, empli de cou, le parcours des reconnus Grégory Bodo et Gérard Lachat ne laissait que peu de place à l’improvisation.

D’une régularité affolante à haute niveau, Harrie Smolders et Monaco ont enfin décroché la timbale à Genève. – Marie Lacombe / Info Jumping

Karl Cook, Marcus Ehning et Barbara Schnieper, qui lançaient l’épreuve, en ont fait les frais, abandonnant après plusieurs fautes commises avec leurs Caracole de la Roque, Coolio 42 et Canice. Simon Delestre et Cayman Jolly Jumper ont été les premiers à se dépêtrer du parcours, ne laissant choir que le vertical de milieu de triple. C’est sur cette combinaison aux couleurs de Rolex qu’une grande partie des fautes a été commise, les éléments piégeant le tenant du titre Richard Vogel (United Touch S), Nicola Philippaerts (Katanga v/h Dingeshof) ou Willem Greve (Highway TN NOP).

La ligne du 4 au 5, comportant un vertical surmonté d’une palanque suivi d’un double oxer-vertical sur bidet, n’a aussi pardonné aucune erreur aux concurrents : quand le champion olympique Christian Kukuk (Checker 47), Niklaus Schurtenberger (C-Steffra) et Alain Jufer (Dante MM) ont tous laissé choir la palanque, des pilotes expérimentés comme Max Kühner (Elektric Blue P), Daniel Coyle (Legacy), Steve Guerdat (Dynamix de Belhème) et Olivier Perreau (GL Events*Dorai d’Aiguilly) ont grossièrement fauté, poussant l’Irlandais et le Suisse à l’abandon. Dernier Français à prendre le départ, Julien Epaillard est passé à un cheveu du sans-faute, en selle sur un Donatello d’Auge pourtant à son aise : alors que le plus dur était fait, la distance jusqu’au dernier vertical était un poil trop longue et le bai a accroché la barre avec son ventre… Rageant !

Le Français et son produit maison était à un cheveu du barrage. – Marie Lacombe / Info Jumping

Parti en sixième position, Harrie Smolders a donc été le premier à rendre une copie parfaite, tout en maîtrise. Il a vite été suivi par Henrik von Eckermann, Martin Fuchs, Lorenzo de Luca, Grégory Wathelet, Giulia Martinengo Marquet, Ben Maher, Gilles Thomas, Peder Fredricson et McLain Ward aux rênes de King Edward, Leone Jei, Denver de Talma, Bond Jamesbond de Hay, Delta Del’isle, Point Break, Ermitage Kalone, Catch Me Not S et Ilex. Logiquement reparti en premier, le Néerlandais a donné le la avec un Monaco des grands jours, qui a livré une belle prestation fluide sur ce barrage tourbillonnant. 

Le temps de 41’74 semblait pourtant battable, surtout à voir les concurrents à venir, à commencer par Henrik von Eckermann et King Edward. Les numéros un mondiaux n’ont pas passé 29 mois au sommet en faisant de la dentelle en barrage, et on pouvait s’attendre à un festival. Mais, dans un coin de la tête, on ne pouvait s’empêcher d’avoir les expériences récentes de la Coupe du monde de La Corogne la semaine passée et dans la finale du Top Ten vendredi, où l’alezan avait refusé par deux fois des obstacles au barrage. Las, l’expérience s’est renouvelée aujourd’hui : sur le massif oxer du Pont Alexandre-III, hérité du terrain de Versailles cet été, King Edward a dérobé, faute à un virage sûrement trop ambitieux de son cavalier. Le Suédois a tout de même terminé son parcours, avec une barre supplémentaire sur le dernier oxer : reste à charge pour lui de renouer un lien qui semble aujourd’hui dégradé avec son fabuleux partenaire. Ironie du sort, l’autre Suédois qualifié pour le barrage, le multi-médaillé Peder Fredricson, a connu la même infortune que son compatriote : en dépit de toute son expérience, le vétéran Catch Me Not S s’est aussi dérobé devant l’obstacle.

C’est le troisième barrage où la mésentente règne entre le numéro un mondial et son BWP. – Marie Lacombe / Info Jumping

C’est ce même oxer parisien qui a réduit à néant les chances de Martin Fuchs d’écrire l’histoire à Genève en remportant l’épreuve pour la troisième fois, et en gravant un nouveau jalon vers le Grand Chelem après sa victoire à Calgary en septembre. Comme vendredi dans la finale du Top Ten, où son audace sur le dernier obstacle en prenant une longue foulée avait payé, le Suisse a redemandé le même effort à son généreux Leone Jei. Mais la distance était bien trop longue et le duo a brisé le premier plan de l’obstacle en retombant dessus, au grand désespoir du public. Un autre incident retentissant a touché Lorenzo de Luca, qui marche pourtant sur l’eau depuis le début de l’année avec son excellent Denver de Talma. L’Italien a en effet chu quand le Selle français a pilé net devant le massif oxer Rolex en milieu de parcours, que son cavalier a voulu prendre trop de biais.

Face à ces diverses mésaventures, les cavaliers qui se sont succédés ont été plus prudents, sans pouvoir rattraper pour autant le duo néerlandais. Ni Grégory Wathelet, ni Ben Maher, ni McLain Ward, tous aussi mltimédaillés les uns que les autres, n’ont pu éviter les fautes, dans le double de bidets notamment pour les deux premiers; le troisième, dernier à prendre le départ, était bien parti pour battre Harrie Smolders sur le fil, mais a laissé la barre de l’obstacle final à terre.

Giulia Martinengo Marquet a réalisé l’une de ses plus belles performances à ce jour. – Marie Lacombe / Info Jumping

Si Gilles Thomas a plus cherché à assurer le double sans-faute avec son étalon, encore relativement jeune, Giulia Martinengo Marquet a elle crânement tenté sa chance avec son vivace bai, accusant tout de même une seconde de débours. Qu’importe, la championne d’Italie s’est montrée très satisfaite de son Selle français : « Delta a été incroyable, vraiment incroyable. Lui et l’équipe qui nous entoure méritaient que j’ose lors du barrage. Aujourd’hui, on y est arrivés tous ensemble ! Être à Genève, j’en rêvais depuis toujours. Quand j’ai quitté la maison en début de semaine, si on m’avait dit que je serais deuxième du Grand Prix, j’en aurais été sur le sol ! Je ne peux pas être plus heureuse que je le suis maintenant. »

Rendez-vous maintenant aux Dutch Masters de s-Hertogenbosch, où Harrie Smolders et Monaco se présentent comme prétendants au Grand Chelem en terrain quasi conquis devant leur public. Après des années abonnés aux deuxièmes places, le temps des tours d’honneur en tête serait-il venu pour l’attachant duo néerlandais ? C’est tout du moins ce qu’on leur souhaite !

Les résultats complets ici

Le trio néerlando-italo-belge de tête. – Marie Lacombe / Info Jumping

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