À l’occasion du Saut Hermès, situé sur le Champ de Mars au pied de la Tour Eiffel, nos journalistes ont rencontré Marc Dilasser, cavalier français de saut d’obstacle et tout récent vainqueur de l’étape Coupe du Monde de Göteborg.

Info Jumping : Comment avez-vous abordé l’expérience au Saut Hermès ? Vous avez notamment été deuxième avec E2K Abricot Ennemmelle (Quaprice Bois Margot, ex-Quincy, x Lord Z) lors du prix de la Ville de Paris de dimanche matin.

Marc Dilasser : Le Saut Hermès, c’est toujours un concours à part, c’est sûr, déjà de par son emplacement : emmener les chevaux en plein cœur de Paris, c’est quelque chose d’assez incroyable et de sympa, d’ailleurs tout le monde en profite pour faire des selfies avec son cheval et la Tour Eiffel en fond d’image, ça reste quelque chose d’exceptionnel.
Abricot a fait un très bon concours puisqu’il a fait deux classements dans le week-end, c’est chouette, je suis super content pour sa propriétaire E2K Horse.

Arioto et Marc sortent du Grand Prix avec 3 barres à terre / Anaïs Rouland – Info Jumping

Et puis concernant Arioto, ça s’est un petit peu moins bien passé dans le Grand Prix. Même s’il avait gagné à Göteborg, c’est un cheval qui est un tout petit peu moins à l’aise dans les petits espaces. Il avait été tellement bien en Suède que j’ai voulu tenter l’aventure ici mais bon, ça n’a pas matché, c’est comme ça, c’est le sport. Il a très bien sauté même si le score du Grand Prix n’est pas à la hauteur de notre couple. Quand un Grand Prix est dans des petits environnements comme celui-ci, on n’arrive pas à trouver le bon fil conducteur du parcours et c’est sûr qu’il y’a des petites fautes qui arrivent assez rapidement.
Il y a quand même eu beaucoup de sans-fautes dans le Grand Prix, il y a eu quatorze barragistes et trois avec du temps je crois, donc c’était quand même un Grand Prix largement abordable. L’environnement fait aussi que ça provoque des petites fautes à droite et gauche parce que le public est vraiment tout proche des chevaux, la luminosité et la dimension de la piste font que ça rend le parcours un peu différent. Les concours en intérieur sont toujours à part.

Quelques semaines auparavant, vous avez gagné l’étape Coupe du Monde à Göteborg. Pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de cette expérience ?

C’était un moment magique, forcément. Gagner une Coupe du Monde c’est un rêve de gosse : quand j’étais adolescent, j’étais devant la télé à regarder ces étapes là avec les yeux qui brillaient, et aujourd’hui, avoir réussi à en attraper une c’est vraiment chouette. Je suis très heureux pour mes propriétaires et naisseurs, Mr et Mme Bastin, et puis pour Arioto qui méritait d’avoir une victoire à ce niveau là.

Comment avez-vous préparé cette échéance ?

Arioto avait fini à Valence vers le 10 décembre. Je leur avais laissé une pause de 6 semaines sans concours où je les avais laissé récupérer, ils étaient au vert. J’avais ensuite refait un CSI2* à Lier et l’étape de Bordeaux à la suite. C’est vrai qu’à Bordeaux, j’avais fait des petites fautes mais les chevaux sautaient vraiment très bien, ils étaient bien dans le coup pour aller à Göteborg derrière.

Votre fils Evann fait aussi de l’équitation, notamment en concours. Est-ce que vous êtes heureux de voir que cette passion se transmet dans votre famille ?

Forcément, parce que c’est un mode de vie. Loriane, mon épouse, travaille déjà avec moi au quotidien et monte aussi en concours, et ça c’est vraiment obligatoire parce qu’il faut accepter et comprendre ce mode de vie. Si on n’est pas dedans non plus, c’est un petit peu compliqué. Evann s’est mis à monter assez jeune et c’est un compétiteur dans l’âme, donc les épreuves et la compétition, ça lui plaît beaucoup. Il adore aussi les animaux donc le contact avec les chevaux et la nature, c’est quelque chose de vraiment chouette et qui lui tient à cœur.

Est-ce que ce n’est pas trop difficile de coacher son fils ?

Quand il était petit, on l’avait mis au centre équestre parce que je voulais vraiment qu’il apprenne avec les autres et puis le faire débuter sur les petits niveaux, ce n’était pas forcément quelque chose que je maitrise donc je voulais que ça soit bien fait : à chacun son métier ! C’est un super centre équestre à côté de la maison et ça a vraiment été bien fait. Maintenant, c’est sûr qu’il y a de l’émotion de sa part et de la mienne mais c’est comme ça, faut aussi l’accepter et faire avec.

Comment va Utah van de Rock (Limbo x Mozart des Hayettes, avec lequel Marc a évolué en Pro Élite et en CSI5*, ndlr) et est-ce que vous avez régulièrement de ses nouvelles ?

Utah va bien, il est retourné chez sa naisseuse, Caroline Bou, qui me donne de ses nouvelles de temps en temps. Il avait quitté mes écuries pour aller en Belgique donc après je n’ai plus trop eu de positionnement sur la gestion de sa carrière mais voilà, Utah va bien, il n’y a pas de soucis.
Maintenant, il ne fait plus de concours. Après, il reste encore beaucoup de doses donc s’il y a des éleveurs qui sont demandeurs de doses pour avoir des poulains d’Utah, il y en a sur le marché.

Est-ce que vous pouvez nous parler du Haras du Millenium ? Avez-vous de nouvelles recrues dernièrement ?

C’est notre haras et on a actuellement 35 chevaux au travail, avec toujours un vivier de jeunes cheveux très important qui sont développés par mon cavalier Rémi Neve. Tous les ans, même très régulièrement, il y a des chevaux qui rentrent et qui sortent de ce système ; il y a donc toujours beaucoup de mouvement et tous les chevaux que j’ai eu pour faire du bon niveau sont passés par mon centre de formation pour les jeunes chevaux. C’est quelque chose qui me tient à cœur et que j’aime beaucoup.
Former les chevaux c’est quelque chose qui me passionne. Les chevaux me passionnent en général et bien sûr que le haut niveau c’est la cerise sur le gâteau, la compétition c’est toujours très grisant.

Moi ce qui me plaît avant tout, c’est le rapport à l’animal, c’est d’essayer de comprendre mes chevaux et de les faire évoluer avec le maximum de bien-être et de compréhension mutuelle évidemment. Il faut apprendre à créer un lien, une relation la plus positive possible. Le cheval est à la base un animal qui est très craintif et qui a des réactions par rapport à sa protection et à sa survie. Si les chevaux ont réussi à évoluer toutes ces années jusqu’à aujourd’hui, c’est parce que ce sont des proies et leurs capacités physiques leur ont permis d’échapper à tous les prédateurs qu’ils ont eu jusque-là. C’est un animal très inquiet, très sensible face à tout ce qui se passe à l’extérieur. Il faut réussir à créer un vrai lien et que le cheval sente que le cavalier est là pour l’aider, pour le rassurer, pour l’accompagner et pour lui donner du confort et de la sérénité.

Abricot et Marc ressortent d’un très bon weekend de compétition au Saut Hermès / Victor Robic – Info Jumping

Est-ce que vous avez des objectifs pour cette année en particulier ?

Oui, forcément, surtout quand on a des chevaux de ce niveau là. Arioto a montré qu’il est vraiment très régulier et très bon sur les grandes pistes en herbe. Entre Aix-la-Chapelle, Hickstead ou encore Dublin, ce sont des terrains qu’il affectionne tout particulièrement donc on a hâte que les concours extérieurs arrivent avec tous les beaux CSIO qui, je l’espère, vont s’ouvrir à lui.

On parle de 2023 mais l’année prochaine, en 2024, les Jeux Olympiques arrivent. Est-ce que c’est dans votre ligne de mire, vos futurs objectifs pour l’année prochaine ?

La Fédération Française d’Équitation a mis en place un groupe olympique et Arioto est dedans. Quand on a un cheval de ce niveau là, on y pense. Après le plus important est de s’occuper de son cheval et s’occuper du chemin plus que l’objectif. De toute façon, ce seront les quatre couples les plus performants qui iront à Paris, on est à un peu moins de 500 jours du début des Jeux et en 500 jours il peut encore se passer beaucoup de choses dans un sens comme dans l’autre.

Justement vous en parliez juste avant, beaucoup de questions se posent concernant le bien-être équin. Que pensez-vous des pieds nus ?

J’ai monté Vital Chance qui avait sauté des Grand Prix 5* pieds nus. Je pense que tous les excès sont dangereux, dans un sens comme dans l’autre. Dans tout les cas, ça a permis de se poser beaucoup de questions, et c’est vrai par rapport aux ferrures que j’adaptais et je n’ai pas déféré plus de chevaux que ça. Par contre, j’ai allégé toutes mes ferrures en essayant de mettre des choses beaucoup plus simples, beaucoup plus légères et ça a donné lieu à une grande réflexion par rapport à ça. Nous les cavaliers, les maréchaux, les vétérinaires, les entraineurs, on réfléchit à comment améliorer le bien-être de nos chevaux. C’est essentiel, comment voulez-vous avoir un cheval qui coopère avec vous sans avoir une vraie complicité et qui se sente bien en confiance avec vous ?
Les chevaux ne trompent pas, les chevaux ressentent nos sensations, c’est un animal extrêmement sensible et qui ressent tout ce qu’on lui donne. Donc quand un cavalier donne de mauvaises choses, le cheval le ressent forcément et ne se donnera jamais à 100% à son cavalier. On parle de bien-être animal comme si c’était quelque chose d’assez nouveau, mais je pense que tous les cavaliers de haut niveau font ça depuis très longtemps et c’est quelque chose d’extrêmement important d’avoir le maximum de confiance de nos chevaux. Ce sont une multitude de petits gestes au quotidien qui font qu’une confiance s’établit. C’est comme une confiance entre deux humains, c’est pareil. C’est une vraie relation à entretenir qui est longue, très longue à mettre en place et qui reste tout le temps fragile aussi. C’est vraiment notre souci quotidien, que nos chevaux se sentent bien et qu’ils soient un maximum en confiance avec nous pour accepter de donner le meilleur d’eux-mêmes sur la piste.
La place du cheval a beaucoup changé dans la société. On a servi de la viande de cheval à mes grands-parents dans les cantines scolaires. C’était comme ça. Le cheval évolue dans la société et c’est ceux qui s’en occupent qui sont les premiers acteurs de ça. Donc voilà, le cheval a beaucoup évolué et c’est notre devoir aussi de continuer à le faire évoluer de manière positive. C’est un animal tellement incroyable, c’est un vrai défi pour nous.

Toute l’équipe d’Info Jumping remercie Marc Dilasser pour cet échange.


0 commentaire

Laisser un commentaire

Avatar placeholder

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *