L’expression « le cross rebat toutes les cartes » du concours complet, on la connaît : on en use, on en abuse, on la met à toutes les sauces, parfois à tort, parfois à raison. Sans trop s’avancer, on peut dire qu’aujourd’hui à Blenheim, ce proverbe a pris tout son sens et est bien l’expression nécessaire pour décrire tout ce qu’il s’est passé. On s’attendait à un très beau, très gros morceau, fourni par le capitaine Mark Phillips ; mais pas à ce qu’aucun cavalier ne parvienne à fournir un maxi, ou encore que trois équipes seraient éliminées.
Mais la plus grande surprise réside dans l’identité de l’un de ces collectifs : alors en argent avant l’épreuve reine, la Grande-Bretagne ne terminera pas l’épreuve en un seul morceau. Tenants du titre glané au Pin en 2023, recordman des médailles collectives (24 !) et individuelles (19 !) depuis l’instauration des championnats en 1953, une nation dont les cavaliers trustent les podiums encore et encore chaque week-end, qui évoluait pour l’occasion à domicile, dans le jardin du duc de Marlborough. Mais voilà, piégées dans les combinaisons 20 et 22 qui les ont éliminées sans vergogne, Yasmin Ingham (Rehy DJ) et Piggy March (Halo), membres du quatuor de sa Majesté Charles III ainsi que Caroline Harris (D-Day) et Bubby Uptown (It’s Cooley Time), qui portaient les espoirs individuels du royaume, ont vu leurs chances de médaille envolées.

Coup de tonnerre donc, sur le cross de Blenheim, bien que (presque) pas une goutte de pluie ne soit tombée sur la verte prairie britannique. Seuls les tauliers Laura Collett et Tom McEwen, double médaillés olympiques de Tokyo et Paris, ont tenu la baraque anglaise. La première, aux rênes du génial London 52, n’a concédé que 15 secondes de temps, ajoutant 6 points à son score qui se porte avant le CSO à 26,6 pénalités. « ça a été une longue journée », a concédé la pilote, qui a dû suivre les mésaventures de ses coéquipières avant son départ. « Il y a eu des difficultés tout au long du parcours et, comme on s’y attendait, le temps maxi était assez court, mais London 52 est toujours allé de l’avant et je n’arrive pas vraiment à croire qu’on soit en tête. Nous avons une vraie complicité et nous en avions bien besoin aujourd’hui. Le public était formidable et il adore ça, ça l’a stimulé. Je n’attends pas le CSO avec autant d’impatience, mais que sera, sera. »

Le second a aussi fait redresser la tête de son public, qui faisait grise mine, grâce au non moins talentueux JL Dublin, en bouclant un parcours légèrement au-dessus du maxi qui lui a valu 6,8 pénalités supplémentaires (33 points). « C’était dur, a euphémisé le Britannique. Mais mon cheval en voulait pour nous deux, et c’était formidable. Je suis très fier de lui. »
Les Britanniques ont au moins pu se coucher samedi soir avec des rêves de médaille d’or et de bronze ce dimanche. Mais pour cela, il faudra se méfier du cador Michael Jung, mené à bon port par son olympique fischerChipmunk FRH, dont il n’a pas manqué de vanter les mérites : « Il est incroyable, il a bien sauté et bien galopé. Il a été un peu regardant dans le premier gué, mais il a eu assez de force pour s’en sortir. La partie moyenne du parcours était intense et il fallait laisser les chevaux respirer. » Avec son fils de Contendro, le multimédaillé allemand (euphémisme, là encore) l’a promis à Laura Collett, « on restera concentrés et on continuera de lui mettre la pression ». Car le duo lui a cédé sa place de leader, faute à 10 points de temps qui monte leur score à 28,3 pénalités : soit 1,7 point d’avance pour l’Anglaise.

Pour autant, il s’est aussi réjoui d’un « jour parfait » pour l’Allemagne, qui avait « la chance de son côté ». La Mannschaft a rendu une copie parfaite, portée par son leader donc, mais aussi le reste du quatuor – Libussa Lübekke (Caramia 34, 58,3, vingt-et-unième), Jérôme Robiné (Black Ice, 43,6, huitième) et Malin Hansen-Hotopp (Carlito’s Quidditch Q, 41,8, septième) – qui n’a écopé que de temps dépassé. Calvin Böckmann et Nicolai Aldinger, cavaliers individuels, étaient aussi à la fête : auteur du parcours le plus rapide avec seulement 5,6 points concédés aux rênes de The Phantom Of The Opera, le premier est en embuscade en quatrième position ; le second, qui sellait son fidèle Timmo, n’a lui aussi lâché que 19,2 pénalités, ce qui leur permet de remonter au quinzième rang. Dans le top ten, on retrouve l’Autrichienne Lea Siegl, la Suisse Melody Johner, la Belge Lara Liedekerke-Meier et l’Irlandais Ian Cassells, tous auteurs de belles performances aux rênes de Van Helsing P, Erin, Hooney d’Arville et Millridge Atlantis.
C’est donc l’Allemagne, mais aussi la France, qui s’en sortent le mieux niveau équipiers : les Tricolores sont tous rentrés sains et saufs, une belle prouesse même s’il a été entaché de quelques déconvenues. En effet, l’après-midi avait mal commencé avec le parcours sanctionné d’un refus de Luc Château et son produit maison Cocorico de l’Ebat, qui ont aussi engrangé du temps : les ouvreurs finissaient donc leur parcours avec 88,8 points, soit la trente-septième place provisoire.

Partis à la suite, Gireg Le Coz, première cartouche individuelle avec son Caramel d’Orchis, rentrait à la maison avec seulement du temps dépassé ; 39,6 points s’ajoutaient à leur score, soit 74,5 pénalités au total et un trentième rang avant le CSO.

Parti le couteau entre les dents, Sébastien Cavaillon et Elipso de la Vigne ont offert au clan français un parcours acharné, mais qui laisse un goût amer. Un fanion manquant (15 points) a été compté au couple sur la combinaison 23 pour franchissement irrégulier, comme cela s’est fait de manière automatique pour nombre de concurrents sur l’épreuve. Toutefois, la plupart de ces pénalités étaient retirées après examen des images, ce qui n’a pas été le cas pour le duo français : une décision contestable pour laquelle la FFE n’a pas manqué de porter réclamation officiellement, sans succès. Le Normand et son fils d’Arko III ont donc conservé leurs 36,2 pénalités supplémentaires, montant leur score à 65,2 points.

Pas de mésaventure en revanche pour Benjamin Massié, qui court en individuel et qui n’a ajouté que 14,4 points de temps à son total de dressage : une belle performance pour le jeune Figaro Fonroy, 10 ans seulement, qui attaquera le CSO demain en douzième position.

Malgré un saut un peu fort et un sursis sur la combinaison 18, Alexis Goury, en selle sur Je’Vall, a mis à profit les talents de crosseur de son gris et est rentré sans faute sur les obstacles. Avec ses 46,7 points à l’aube du jumping, le Ligérien, onzième, occupe la meilleure position française, juste devant Benjamin Massié.

Les expérimentés Astier Nicolas et Alertamalib’Or, partis en dernier pour l’équipe, avaient sans doute à coeur de maintenir la France en troisième position, voire d’opérer une remontée en individuel pour peut-être s’offrir une médaille : las, leurs espoirs ont été déçus quand le couple a accroché un MiM sur la combinaison 6, entraînant 11 points de pénalité en plus du temps dépassé… Le vice-champion olympique de Rio et son Anglo-arabe ont donc reculé au dix-neuvième rang.

Rien n’est perdu toutefois, pour le collectif notamment. Si les Allemands paraissent intouchables avec leurs 113,7 points, la Suisse, l’Irlande et la France pourront se battre pour les médailles d’argent et de bronze. Avec leurs 167,1 pénalités, les Bleus ne manqueront pas de mettre la pression sur les deux équipes, qui les devancent de 10,6 points pour l’Île d’émeraude et de 5,8 points pour la nation helvète. Puisqu’ils seront seulement trois Irlandais à s’élancer, Ian Cassels (Millridge Atlantis), Robbie Kearns (Chance Encounter) et Padraig McCarthy (Pump’n Circumstances) n’auront notamment pas le droit à l’erreur.
Tous les chevaux ayant été acceptés à la visite vétérinaire ce dimanche matin, cela promet un CSO d’exception pour ce cru 2025 des championnats d’Europe !