Quand elle a été obtenue de haute volée, alors qu’il n’y avait qu’un infime espoir de l’avoir, une médaille n’a-t-elle pas encore plus de saveur ? C’est ce qu’on peut penser de la médaille de bronze européenne avec laquelle les Bleus sont repartis de Blenheim Palace ce dimanche. Au vu des effusions de joie de Luc Château, Astier Nicolas, Sébastien Cavaillon et Alexis Goury au paddock, on ne peut aussi que penser que cette médaille est amplement méritée pour des Tricolores qui n’ont rien lâché jusqu’au bout, et à raison.

Un petit bout de chemin avait déjà été fait avec la dramatique élimination de la Grande-Bretagne, tenante du titre, samedi sur le cross, un retournement de situation auquel on ne s’attendait franchement pas. Si l’Allemagne paraissait intouchable avec plusieurs dizaines de points d’avance sur la compétition, l’Irlande et la Suisse, en argent et bronze virtuel, devaient se méfier de la France, quatrième et le couteau entre les dents.
La visite vétérinaire passée sans encombre le dimanche matin, il fallait désormais se frotter au parcours de CSO concocté par Paul Connor et son équipe. Malicieusement, le chef de piste avait serré au maximum le temps imparti, ajoutant du piment au dernier test : car au vu des écarts parfois infimes entre les concurrents, même quelques secondes dépassées pouvaient valoir très cher.
Pas de peur (visible du moins) pour des Tricolores aux nerfs d’acier, qui ont enchaîné les sans-fautes sur les barres. Seuls Luc Château et Astier Nicolas ont ajouté 2 et 0,4 points à leur score total, mais sans incidence : le premier, avec son produit maison Cocorico de l’Ebat, termine trente-cinquième ; le second, en selle sur son expérimenté Alertamalib’Or, s’octroie la seizième place.


Sebastien Cavaillon ayant déjà ouvert la voie du parcours parfait en fin de matinée grâce à un aérien Elipso de la Vigne qui lui offre aussi le vingt-troisième rang, ne manquait plus qu’Alexis Goury pour parfaire la performance française. Sans trembler, le Ligérien et son fils de Zavall VDL ont dominé leur sujet pour offrir au clan et aux supporters tricolores la breloque tant convoitée, ainsi que la meilleure performance individuelle française avec leur sixième place.


Alors, le clan français pouvait exulter, à juste titre : car si l’Irlande, qui ne pouvait plus compter que sur Ian Cassells (Millridge Atlantis), Padraig McCarthy (Pomp’N Circumstance) et Robbie Kearns (Chance Encounter) après l’élimination d’Aoife Clark (Fullmonty de la Cense) sur le cross, a tenu le choc, ce ne fut pas le cas pour la Suisse. Nadja Minder (Toblerone) et Melody Johner (Erin) ont malheureusement sonné le glas des espoirs helvètes en laissant trois et deux barres à terre ; les sans-fautes de Robin Godel (Global DHI) et Felix Vogg (Frieda) n’auront pas suffi à ramener mieux que la quatrième place.

Cela a suffi à la France pour s’inviter sur le podium, derrière l’Irlande qui se pare d’argent. Avec des si, on pourrait réécrire ce scénario pour intervertir les deux nations : et si le missing flag de Sebastien Cavaillon et Elipso avait été annulé après la réclamation de la FFE, comme on pouvait le penser ? Et si le MiM d’Astier Nicolas et Alertamalib’Or n’avait pas été compté, étant donné que ce n’est pas l’élément principal de l’obstacle qui s’est décroché ? Mais il en a été décidé autrement, et on se réjouira de toute manière de cette médaille qui n’a pas été volée ! De même, Gireg Le Coz et Benjamin Massié ont fini leur Européens sur une très belle note avec aussi des sans-fautes au CSO. Le premier, aux rênes de Caramel d’Orchis, repart d’Angleterre avec la vingt-neuvième place. Le second, qui présentait le jeune Figaro Fonroy, peut se réjouir de sa neuvième place et nourrir une ambition légitime, qui sait, pour les Mondiaux d’Aix-la-Chapelle en 2026, voire les Jeux olympiques de Los Angeles en 2028.


Si la bataille pour l’argent et le bronze a été féroce, l’or était scellé quasiment dès le départ pour l’Allemagne. A moins d’une élimination lors de la visite vétérinaire ou d’une catastrophe sur le CSO pour ses couples, il était impossible pour la Mannschaft de Jérôme Robiné (Black Ice), Libussa Lübekke (Caramia 34), Malin Hansen-Hotopp (Carlito’s Quidditch K) et Michael Jung (fischerChipmunk FRH) de laisser échapper l’or, et ça n’a pas manqué.

Seul le King et son champion olympique ont toutefois réussi à sortir un sans-faute, ce qui a aussi scellé leur médaille d’argent individuel et garni (encore !) l’armoire à trophée du légendaire cavalier allemand. Tom McEwen, impérial avec son JL Dublin, s’est paré du bronze individuel grâce à un parcours lui aussi sans fausse note : soit la première décoration en solo du couple après leur élimination il y a deux ans au Pin, mais la deuxième pour le fils de Diarado qui avait déjà décroché l’or à Avenches en 2021 sous la selle de Nicola Wilson.
Enfin, vingt ans après sa compatriote Zara Phillips, une nouvelle reine européenne a été couronnée en la personne de Laura Collett. Avec son fabuleux London 52, l’Anglaise a déjà décroché la victoire dans les CCI5*-L de Badminton, Lühmuhlen et Pau, ainsi que les titres européens et olympiques par équipes au Pin, à Tokyo et à Paris, d’où elle était aussi repartie avec le bronze individuel. Le couple n’a donc plus rien à prouver, si ce n’est que les récompenses individuelles semblaient plus difficiles à obtenir : ils étaient neuvièmes à Tokyo et au Pin, quarantièmes aux Mondiaux de Pratoni et même éliminés à ceux de Lühmuhlen en 2019. Ce titre européen, obtenu qui plus est à domicile et alors que le collectif s’est effondré, ne doit être que plus appréciée par la Britannique et son Holsteiner de 16 ans, qui devraient encore marquer de leur patte les championnats futurs.
